Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour, Je m’appelle Clémence, j’ai fait une formation en design industriel, et aujourd’hui je suis plutôt spécialisée dans le design thinking. Je suis designer chef de projets chez Sismo. On pourrait appeler ma fonction « design-thinker » même si je n’aime pas trop le terme.

Comment décririez-vous ce que vous faites ?

C’est toujours un problème pour moi que de décrire ce que je fais de façon simple. Lorsque je dis aux gens que je suis designer, ils imaginent souvent que je fais des lampes ou des meubles. Mais j’essaie de leur expliquer que je suis plutôt dans le design de services, autrement dit, que j’interviens plus en amont sur les projets et plutôt sur des missions de conseil avec des grands comptes. Ainsi, chez Sismo, nous appliquons ces démarches de design thinking de façon systématique. Nous commençons vraiment par des études sur le terrain, en rencontrant les usagers, en réalisant des interviews des clients finaux ou des employés. Le but est de bien comprendre toutes les personnes qui interagissent autour de la problématique. Comprendre quelles sont ces problématiques et quels sont les besoins structure bien le début du projet. Ensuite, nous pouvons redéfinir le brief de façon plus précise et arriver avec des solutions plus innovantes, mieux ciblées, des solutions plus pertinentes et durables en quelque sorte.

Ou aviez vous effectué vos études? 

Après un bac général scientifique, j’ai suivi une MANAA à l’école Olivier de Serres. Une année assez intéressante car en prépa on fait de tout, du dessin, de la peinture, on construit pas mal de choses… Ensuite j’ai fait un BTS en design produit, toujours à Olivier de Serres. À l’époque, j’hésitais entre graphisme et design produit mais le côté très pragmatique du design produit ainsi que l’idée d’améliorer la vie des gens avaient su me séduire. Après mon BTS j’ai voulu partir à l’étranger et j’ai donc fait un master en design industriel à la Saint Martin School, à Londres. C’est là que j’ai vraiment découvert toute cette méthodologie du design thinking, intégrée dans le processus de création chez les anglo-saxons depuis longtemps. En formation, dès le début j’ai été incitée à aller sur le terrain et interviewer les usagers afin de m’en inspirer pour faire des prototypes d’objets et retourner ensuite les tester sur le terrain. J’ai beaucoup aimé travailler sur des projets où il y a des problématiques sociales. J’ai fait mon sujet de diplôme, Remarkabled, avec des personnes mal-voyantes pour comprendre comment je pouvais en tant que designer intervenir et les aider à se réapproprier leur corps et leurs autres sens. Le kit d’objets que j’ai réalisé a pour but d’aider ces personnes à ajuster et développer leurs capacités physiques (avant de leur fournir des objets d’assistance dont ils n’ont pas forcément besoin. En Angleterre, ils ont une vision très globale du design, chose que j’ai pu retrouver chez Sismo, où l’on mélange design de produits et design de services. On conçoit des systèmes de façon globale, donc on a besoin d’un peu de tout. On forme ainsi des équipes pluridisciplinaires.

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Quel a été votre projet préféré lorsque vous étiez étudiante à part votre projet de fin d’études ?

Mon projet de BTS était centré sur le social également. J’avais travaillé sur le lien social en ville et plus précisément comment favoriser ce lien social dans l’espace public. J’avais alors conçu du mobilier urbain formant un mini amphithéâtre à taille humaine. Mon idée était que la forme du mobilier puisse créer un public et qui lui-même crée l’occasion d’une représentation spontanée ou non. Le but était que ce mobilier puisse devenir un symbole d’attroupement, de regroupement inter-générationel, etc. Ce n’était pas un projet très approfondi, car il n’a pu être réalisé que sur 3 mois mais il m’a permis de me rendre compte du type de problématique m’intéressant. En arrivant en Angleterre, lorsque j’ai entendu parler de « Social design », du « human-centered design » et du « design thinking » tout cela a résonné en moi. Nous avions alors des projets très variés. Je me souviens des projets intitulés «critical interrogation of practice», pour lesquels il fallait que l’on travaille avec des gens d’autres masters (textile, design, mobilier, graphisme etc). C’est avec de genre d’équipes de 6 à 8 personnes que j’ai aussi appris à collaborer et à communiquer car nous avions des façons très différentes de travailler. Le but était d’initier un projet d’une nouvelle façon. Il y avait par exemple parmi ces projets, un brief qui était d’observer autour de nous des comportements ad hoc. Avec mon équipe, nous sommes donc sortis dans Londres et nous nous sommes installés dans un café. C’est comme cela que nous avons rencontré tous les ouvriers qui travaillaient dans les chantiers aux alentours et nous avons passé la matinée à discuter avec eux de leur équipement. Nous voyions qu’ils portaient presque tous deux bonnets sous leur casque pour se protéger du froid malgré le fait que cet usage était considéré comme hors norme. Tous ces ouvriers faisaient preuve de beaucoup d’astuce et de bricole pour enrichir et mieux vivre leur quotidien. Un beau départ de projet qui révélait des besoins variés.

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Quelle est votre dernière belle réussite? Et quelle est la dernière chose dont vous n’êtes pas satisfaite ? 

De façon générale, une de mes plus belles réussites est d’avoir réussi à intégrer Sismo. C’est exactement l’agence dans laquelle je voulais travailler. Exercer dans un environnement où l’on fait tous des choses différentes est vraiment enrichissant pour moi. Pour la seconde question, mon projet de diplôme en Master a été une super expérience, mais pour moi il n’est pas tout-à- fait fini, il me manquait quelques mois, je n’ai pas eu le temps de travailler de nouveau dessus, et vous vous en doutez mais c’est difficile de se motiver à nouveau une fois qu’on a terminé un projet. J’aimerais avoir eu plus de temps pour finaliser l’aspect formel. 

Aujourd’hui vous êtes plus orientée sur le design thinking que sur le design produit, arrivez-vous encore à associer les deux ?

À vrai dire je suis arrivée chez Sismo il y a moins d’un an, donc jusqu’ici on travaille sur les projets qui arrivent au fur et à mesure et on progresse ainsi. J’ai commencé par travailler sur une cartographie d’expérience client pour une banque, ce n’était pas le projet le plus « sexy » que j’avais pu imaginer et pourtant cela a été une expérience vraiment intéressante. C’était vraiment la production d’un document très visuel, tout en gardant en tête l’idée de déployer un nouvel outil. Après, je me suis un peu remise à dessiner sur un projet avec des appart-hotels, où il fallait redéfinir les différents espaces avec une méthodologie de design thinking, re-designer l’expérience des espaces communs en somme. Donc oui il est vrai que j’ai un peu mis le design produit de côté même si je pense que l’objectif de l’agence est de parvenir à appliquer ces méthodologies de design thinking à des projets de produits également. Hélas, je pense qu’aujourd’hui les budgets ne suivent pas toujours du côté des clients parce que c’est évidemment plus long d’intégrer un processus de design thinking et les clients ne sont pas toujours prêts ou matures pour cela. Je pense que cela finira par arriver petit à petit comme aux Etats-Unis ou en Angleterre. En France, pour l’instant nous sommes est un peu en retard là-dessus mais… on y arrivera !

À quoi ressemble une journée type dans la vie de Clémence ?

Je ne pense pas qu’il ait de journée type justement, c’est ce qui est bien ! J’échange beaucoup de mails avec mes différents clients pour le suivi des projets, on se déplace beaucoup, on fait des workshops chez les clients ou chez nous en agence, et on est parfois en observation sur le terrain. C’est une partie assez amusante d’ailleurs, on va dans des lieux intéressants, des gares, des hôtels, etc., pour interviewer les clients et les employés, et pour jouer aux clients aussi parfois. Et puis après, il y a le travail de fond, où il faut analyser toute cette matière, la synthétiser, faire les présentations clients, et puis réfléchir… trouver des idées!

Enfin, pour conclure, quelle serait la prochaine femme designer que nous pourrions interviewer ?

J’ai une amie qui est designer d’espace et une autre qui fait du design de bijoux, je pense que cela pourrait être intéressant.